LE CLUB DU MOIS : EICC ETOILES

3 Juil 2025 | Cheerleading, Fédération

Dans cette interview, nous partons à la découverte d’un projet unique et profondément humain : le développement du handi-cheer au sein du club Les Étoiles, basé à Toulouse. Ce club, engagé depuis plusieurs années dans une démarche inclusive, a su faire du cheerleading un véritable vecteur d’intégration sociale pour les personnes en situation de handicap.

Pour en parler, nous avons eu le plaisir d’échanger avec quatre figures clés de cette aventure :

  • Iuliia, présidente du club Les Étoiles,
  • Chloé, éducatrice spécialisée et entraîneure de l’équipe handi-cheer,
  • Juliette, également entraîneure et étudiante en STAPS spécialisée dans le sport adapté,
  • Sabine, athlète de l’équipe handi-cheer, en situation de handicap moteur, qui partage ici son vécu, son engagement et sa passion.

FFFA : Quand et comment a été fondé le club des Étoiles ?

Iuliia : Les Étoiles ont été fondées en 2017 à Toulouse. Le nom officiel est « L’École Internationale de Cheer Dance et de Cheerleading », mais très vite, le nom de la première équipe, « Les Étoiles », a été adopté par tous.

FFFA : Quelles sont les valeurs que vous défendez ?

Iuliia : Notre club repose sur des valeurs fondamentales : le respect, l’apprentissage, la discipline, la famille ainsi que l’inclusion. Nous essayons de garder le lien entre les parents, les adhérents ainsi que les entraineurs.

FFFA : Combien de membres comptez-vous aujourd’hui ?

Iuliia : Aujourd’hui, le club compte 99 adhérents et 76 licenciés enregistrés auprès de la Fédération.

FFFA : Quelles catégories et niveaux proposez-vous ?

Iuliia : Nous accueillons des athlètes à partir de 4 ans et couvrons presque toutes les tranches d’âge, sauf les juniors et seniors actuellement. Deux de nos équipes, les minimes et cadets en niveau intermédiaire, participent régulièrement aux championnats de France.

FFFA : Quels événements organisez-vous en dehors des compétitions ?

Iuliia : Nous organisons divers événements tout au long de l’année : stages pendant les vacances (avril et octobre), camps thématiques comme le ‘Camp Étoile de Neige’, et des collaborations avec d’autres clubs (Paris Cheer, Cheer IQ, etc.).

Chloé : Nous intervenons également dans des structures médico-sociales à Toulouse, notamment dans le cadre de projets autour du handicap.

Juliette : C’est la deuxième année qu’on fait la journée nationale du sport et du handicap en lien avec STAPS, nous faisons découvrir le sport c’est un bon moyen de montrer que le cheerleading est accessible à tous,

FFFA : Avez-vous des trophées, titres dont vous êtes particulièrement fière ?

Iuliia : Cette année, notre première place des Cadet Intermédiaire aux qualifications de la zone D, ainsi que nos minimes vice-champion de France. A SACD nous avons remporté la première place dans la catégorie U16. En 2022 nous avions remporté la 2ème place à SACD dans la catégorie junior niveau 2.

FFFA : Comment avez-vous intégré le handisport dans votre structure ?

Iuliia : L’idée d’intégrer le handisport remonte à 2012 après avoir vu les Championnats du Monde ICU. Après quelques années de structuration, nous avons décidé de lancer notre propre section. Chloé a pris en charge l’équipe car elle a un diplôme d’éducatrice personnalisé.

Chloé : En trois ans, nous avons pu former une vraie équipe handi-cheer, intergénérationnelle, mixte, et accueillante.

FFFA : Travailliez-vous avec des institutions spécialisées ?

Iuliia: Oui, nous sommes affiliés à la Fédération Française Handisport. N ous les avons contactés dès le départ pour nous aider à lancer l’activité handi-cheer, et c’est grâce à leur soutien que cela a réellement pu démarrer. Ils ont par exemple relayé notre appel à participation auprès de leurs licenciés, ce qui nous a permis d’avoir des premières candidatures pour des cours d’essai. Leur accompagnement a été concret et décisif.

Chloé : En parallèle, nous travaillons aussi avec le comité régional handisport d’Occitanie, et nous menons des partenariats ponctuels avec des événements comme le Téléthon. D’ailleur Sabine est la présidente du comité Handi-Sport.

FFFA : Comment adaptez-vous les entraînements au public en situation de handicap ?

Chloé : Chaque entraînement est adapté. Nous avons investi dans du matériel spécifique : poids, élastiques, protections. Les échauffements sont différenciés selon les capacités, et chaque athlète bénéficie d’un accompagnement individualisé. Nous avons aussi appris à anticiper les blessures, à respecter les limitations de chacun tout en encourageant la progression. L’écoute, le dialogue et l’observation sont essentiels pour maintenir un environnement sécurisant et motivant.

FFFA : Chloé, comment vous êtes-vous formée pour encadrer une équipe handi-cheer ?

Chloé : C’est une question essentielle, car quand on veut lancer un projet comme celui-là, il faut savoir s’adapter avec précision et sécurité. Je me suis beaucoup formée de manière autonome. J’ai d’abord puisé dans mes connaissances acquises en formation, mais aussi en m’inspirant du travail des psychomotriciens et kinésithérapeutes avec qui j’ai collaboré ou que j’ai pu observer. Je suis éducatrice spécialisée de base, plutôt orientée vers le handicap psychologique et mental, mais j’ai choisi ici de me concentrer davantage sur le handicap moteur.

J’ai passé énormément de temps à analyser des vidéos, notamment celles d’équipes anglaises en handi-cheer. Elles sont une grande source d’inspiration, car elles montrent ce qui est possible, et parfois, ce qu’il faut éviter. Avec Sabine, notre première athlète handi, la première année a été en quelque sorte un crash test. On a testé, ajusté, observé. Chaque retour qu’elle me faisait me permettait d’enrichir mes repères, de construire une approche visuelle et corporelle plus juste, plus pertinente.

Petit à petit, on a développé des routines plus complexes, plus dynamiques, et aujourd’hui, je suis capable de proposer des mouvements adaptés mais ambitieux. Ce travail s’est construit sur trois ans, avec beaucoup de documentation, d’essais, de dialogue… et surtout, une envie profonde de progresser ensemble.

FFFA : Sabine, qu’est-ce que le cheerleading vous apporte, personnellement et collectivement ?

Sabine : J’ai toujours été en situation de handicap, ce n’est pas un accident de la vie. J’ai grandi avec cette réalité, mais j’ai toujours voulu faire partie du monde des valides. Le sport, autrefois, n’était pas accessible comme aujourd’hui. Il m’a fallu attendre mes 27 ans pour découvrir les bienfaits du tennis, et plus tard, du cheerleading.

Ce sport m’apporte énormément : du lien social, un sentiment d’appartenance, une valorisation personnelle. Le cheerleading permet à des personnes comme moi de se sentir pleinement intégrées dans une équipe. Ce que je n’ai pas eu dans ma jeunesse, j’essaie aujourd’hui de le transmettre aux autres.

Je suis aussi très touchée par l’évolution des jeunes autour de moi. Quand on a intégré deux jeunes filles très réservées, j’ai vu à quel point le contact humain dans ce cadre bienveillant pouvait faire évoluer leur comportement. Ces petites choses, un sourire, une main tendue, un bonjour ont un impact immense. C’est ça que je défends : permettre à chacun de vivre sa passion, malgré les différences.

Physiquement, la pratique m’aide à entretenir mes muscles. Psychologiquement, elle me pousse à aller de l’avant. Je n’aurais jamais cru, à 60 ans, me retrouver à faire du cheerleading. Et pourtant, c’est l’une des plus belles aventures humaines que j’ai vécues.

FFFA : Quel message souhaitez-vous faire passer aux autres clubs ?

Sabine: Le plus important, c’est d’oser faire le premier pas. La sensibilisation est la clé. Nous, au comité handisport, on peut intervenir pour accompagner les clubs, leur montrer que c’est possible, qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur. Ce ne sont pas des démarches insurmontables, surtout avec l’aide de structures comme la nôtre ou de clubs comme Les Étoiles, qui peuvent partager leur expérience.

Iuliia: L’avantage du handi-cheer, c’est aussi sa mixité. On peut faire cohabiter des enfants de tous âges, de tous niveaux, valides ou non. C’est un sport qui rassemble naturellement. Et pour les clubs qui se lanceraient, nous travaillons à la mise en place d’une formation spécifique pour les futurs entraîneurs handi-cheer, afin de leur transmettre ce que nous avons appris à force d’essais, d’erreurs, et de réussites.

Sabine : Aux personnes en situation de handicap, surtout les femmes, je dirais : venez essayer. Une fois, deux fois… vous ne repartirez pas. Le handisport féminin est encore trop peu représenté, notamment dans des disciplines comme le cheerleading. Il faut sortir des cadres classiques, comme le basket ou l’athlé. Il y a de la place pour la créativité, la danse, l’expression. Et ça peut changer une vie. Moi, je le dis partout où je passe, y compris dans les écoles. Même si c’est une seule personne qu’on réussit à convaincre, c’est déjà énorme.

FFFA : Souhaitez-vous ajouter quelque chose que nous n’avons pas abordé ?

Chloé : Oui, je voudrais insister sur un point fondamental : la lutte contre l’isolement. Beaucoup de personnes en situation de handicap, surtout celles pour qui cela arrive suite à un accident de vie, perdent tout repère. Elles se retrouvent dans un quotidien médicalisé, souvent solitaire, avec peu d’espoir ou de motivation. Le cheerleading, à mon sens, est un véritable levier de reconstruction sociale et personnelle.

Ce sport est une vraie communauté. Dès qu’on croise une autre équipe, qu’elle soit de Perpignan, Montpellier ou ailleurs, il y a une solidarité naturelle. Quand Sabine a intégré notre équipe, elle a été accueillie comme une athlète à part entière. Elle n’était pas la “personne en fauteuil”, elle était une cheerleader, point.

Je pense aussi à une jeune fille qui avait 8 ans. Elle a pratiqué avec nous une année. Pour elle, c’était l’évasion d’un quotidien fait d’école et d’hôpitaux. Elle réalisait un rêve de petite fille : porter des strass, des rubans, faire partie d’un groupe. C’est ça aussi, le pouvoir du cheerleading.

Notre équipe handi-cheer est intergénérationnelle, mixte et profondément humaine. Il n’y a pas de barrières entre les âges, les corps ou les expériences. Le mot “inclusion” est souvent galvaudé, mais ici, il prend tout son sens.

Sabine : Personnellement, quand je suis arrivée au club, j’ai été immédiatement intégrée. Les parents, les enfants, tout le monde m’a accueillie avec une chaleur incroyable. Trois mois après, j’étais en déplacement avec eux à Bordeaux. C’est devenu une seconde famille.

Et je le dis avec force : pour les personnes isolées, ce type d’environnement peut littéralement changer une vie.

Iuliia : Nous allons d’ailleurs organiser une formation de Handi-cheer les 25 et 26 octobre pour les entraineurs et les athlètes. Les formateurs viennent de Paracheer Union.

L’interview du club Les Étoiles met en lumière toute la richesse et l’impact du handi-cheer, à la fois comme discipline sportive et comme espace d’inclusion, de solidarité et d’émancipation. Grâce à l’engagement de figures comme Iuliia, Chloé, Juliette et Sabine, cette aventure humaine dépasse les routines et les performances pour toucher à quelque chose de plus essentiel : le lien social, la confiance en soi et la fierté d’appartenir à une équipe.

Les Étoiles ne sont pas seules dans ce mouvement. D’autres clubs partagent cette dynamique inclusive, comme l’équipe de cheer adapté des Tigers, qui a également participé au Championnat de France cette saison. Le développement de ces équipes est un signal fort : celui d’un cheerleading accessible à toutes et tous, qui s’épanouit dans sa diversité.

Nous sommes ravis, à la FFFA, de pouvoir donner de la visibilité à ces clubs pionniers et de soutenir les initiatives qui font évoluer notre sport vers plus d’ouverture, de mixité et d’humanité.

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