SOUVENIRS DE LA FFFA, ÉPISODE 5 : PORTRAIT DE DIDIER SEMPEY, DTN ADJOINT DÉSORMAIS À LA RETRAITE

28 Mar 2024 | Fédération, Flag, Football Américain

Presque 30 années dans le football américain après avoir découvert les trois pratiques fédérales, Didier Sempey nous raconte son parcours dans notre sport. Bénévole puis Cadre Technique National, retrouvez un riche parcours d’un acteur fort du développement et de la structuration de notre pratique sur le territoire. 

FFFA : Découverte du football américain en quelle année et dans quelles conditions ?

Didier Sempey : En 1997, mon fils Aurélien alors âgé de 14 ans découvre le Foot US par les jeux vidéo avec ses amis de collège. Je n’entends plus que : « Il n’y a que les Américains pour faire ça ! ». Pour le récompenser de sa bonne année scolaire, je souhaite lui offrir d’assister à un vrai match. Le club local du Minotaure de Strasbourg (que je mets plusieurs semaines à localiser) en la personne de son jeune Président Damien RILLIARD me procure 2 places pour le seul match restant à disputer dans la saison : la Finale D2 SPARTIATES-CENTAURES à Clermont-Ferrand, on est le 8 juin 1997, et après 7 heures d’autoroute dans ma petite AX, je ne sais pas encore que les 2 Head-Coachs en présence ce jour-là vont avoir une importance capitale dans le futur de ma carrière professionnelle, Thierry SOLER et Olivier MORET deviendront tous 2 mes Directeurs Techniques Nationaux.  

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le football américain, et qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans la Fédération ?

D.S. : De culture rugbystique à l’origine, je n’ai eu que peu de contact avec le Foot US auparavant. Les seules images aperçues lors des infos TV le lendemain des SuperBowl m’avaient très impressionné par la possibilité offerte au meneur de lancer la balle vers l’avant, et surtout à l’ailier de la réceptionner en plein vol quelques dizaines de mètres devant passant ainsi au-dessus de la défense.

L’engagement à la Fédération est venu dès qu’Aurélien a débuté les entraînements. Inquiet de le voir seul adolescent parmi des adultes, je me postais au bord du terrain à toutes les pratiques. Mais, bien vite rassuré par la pédagogie des coachs, les dirigeants du Minotaure Européen me sollicitant pour les aider au bureau, j’acceptais bien volontiers.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours au sein de la Fédération Française de Football Américain et des moments marquants de votre carrière ?

D.S. : J’ai donc été bénévole à Strasbourg, puis chargé du développement du Flag jeune à la Ligue de l’Est (Alsace-Lorraine). Pendant ce temps, mon parcours professionnel dans le commerce a été bouleversé par un licenciement inattendu en 2001.  Une réorientation professionnelle s’imposant, Frédéric PAQUET, Président de la FFFA et son Directeur Technique National Patrick WINCKE me proposèrent un poste vacant dans l’Est de la France à deux conditions : réussir le Brevet d’état de Foot US et avoir un diplôme Universitaire dans le Sport. Après avoir été stagiaire à la FFFA pour préparer la Coupe du Monde 2003 à Francfort et ayant obtenu ces deux diplômes, je commençais à travailler en janvier 2004 à la Ligue de l’Est comme Conseiller Technique Régional Fédéral, puis à la FFFA comme Conseiller Technique de Zone Est de 2006 à 2010. Par la suite, sur une idée de Thierry SOLER, je passais et réussissais le Concours de Professeur de Sport pour devenir fonctionnaire du Ministère des Sports, en même temps que Nicolas PREVOST, suivants ainsi les traces de nos illustres prédécesseurs Christophe KELLER, Thierry SOLER, Olivier MORET et Mathias TORRE. Les cinq années suivantes furent malheureusement éloignées du Foot US puisque le Ministère me nomma en Directions Départementales et Régionales. Même si on ne peut négliger l’apport de connaissances liées aux politiques ministérielles, heureusement qu’Olivier MORET m’a permis de revenir « à la Maison » en janvier 2016.

Quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que cadre technique de la Fédération Française de Football Américain ?

D.S. : Le premier défi fut de se mettre équitablement au service des 3 disciplines (Foot US, Flag Football et Cheerleading), sans privilégier sa discipline d’origine. Le second a été de gérer des projets au sein d’équipes composées de personnes certes toutes de bonnes volontés mais d’origines et d’expériences diverses et variées (professionnels, bénévoles, élus, institutionnels, etc.).  Le troisième a consisté à rationaliser les budgets, ce qui nous a constamment amené à être collectivement inventifs. Le quatrième m’a poussé à faire connaître et reconnaître des disciplines méconnues dans nos environnements européens et nationaux défavorables. Et le dernier, plus personnel, être Cadre Technique sans expérience d’entraîneur (à l’exception de mes stages d’études).

Comment décririez-vous l’évolution du football américain en France depuis que vous avez commencé votre carrière ?

D.S. : En 1997, nous étions 3 500, vous serez bientôt 30 000, que dire de plus ?!

J’ai néanmoins envie de rajouter que la normalisation des formations des entraîneurs a transformé nos performances en compétition. Malgré les critiques, l’obligation de se former m’apparaît comme un gage de réussite. Les échanges de coachs et de joueurs avec les pays étrangers et notamment Nord-américains me semblent plus nombreux, et favorables à notre amélioration de compétences.

Les actions auprès des jeunes enfants et adolescents de ces dernières années sont à mon sens le pilier de la future consolidation de nos savoir-faire. Je voudrais aussi avancer que l’arrivée du Cheerleading en 2003 nous a ouvert des perspectives de développement vers des publics féminins et plus jeunes, j’y ai vu une opportunité d’acquérir des nouveaux adhérents et l’acquisition de méthodologies à partager avec nos 2 disciplines de balles ovales.

Quels sont les projets ou réalisations dont vous êtes le plus fier au cours de votre mandat ?

D.S. : Deux jeunes de l’Est sélectionnés en Équipe de France (EDF) Juniors Championnes d’Europe en 2004 et 7 en 2006 pour coach Vincent MIRAVAL ; L’accueil sur le territoire Alsacien des EDF Junior et Seniors en 2002, 2003, 2012, 2013 pour préparer des Championnats d’Europe ; Le Guide des Aides dès 2006 ; La formation théorique des Initiateurs Fédéraux, CQP, DEJEPS, DESJEPS et Professeurs de Sport ; L’intendance de l’EDF Seniors de 2006 à 2014 pour Coach Larry LEGAULT ; L’organisation du 1er Junior Bowl en 2009 en binôme avec Pierre TROCHET ; L’accompagnement des dirigeants à l’occasion de visites dans leurs structures ; La création de la Charte d’éthique et du Comité d’éthique avec Cléa FORET et Philippe FONTAINE. 

Quels conseils donneriez-vous aux futurs dirigeants et techniciens qui prendront la relève de votre poste ?

D.S. : Dernièrement, mes missions étaient administratives :

  • Gestion des 29 jeunes en Service Civique
  • Conseils aux Commissions d’éthique, Féminisation, Projets Sportifs Fédéraux (PSF) et Territoriaux (PST), Conventionnement des Ligues
  • Gestion de la plateforme Système d’Information Honorabilité (SI HONO)
  • Accompagnement des dirigeants (gestion des organisations associatives, des ressources humaines et financières, liens avec les partenaires et institutions)

Du fait de ces thématiques éloignées des rencontres sportives, elles peuvent paraître inutiles voire illusoires à nombre d’entre nous, impliquant un réel manque d’intérêt de leur part. Je conseillerai donc à mes successeurs d’être déterminés et très patients car il faudra savoir répéter le message souvent avant qu’il ne soit accepté.  

Comment voyez-vous l’avenir du football américain en France ? Quels sont les défis et opportunités à venir ?

D.S. : Je pense voir de mon vivant votre taille dépasser les 50 000 licenciés, taille symbolique pour commencer à intéresser les médias nationaux, donc les sponsors majeurs. Et vous atteindrez les 350 clubs répartis sur le territoire, avec un développement ultra-marin significatif. Le Flag Football sera votre vecteur de croissance le plus efficace tant que son statut de sport Olympique sera maintenu. Il vous faudra aussi vous intéresser de très près au e-sport et ne pas en laisser la gestion à d’autres.

Les défis : rajeunir les licenciés, les féminiser en Foot US et Flag Football, les masculiniser en Cheer. Au niveau de l’organisation du sport en France, malgré une tendance à la privatisation, je reste convaincu de la justesse du modèle de gouvernance associant des élus, des cadres d’état et des administratifs. Je me souviens d’une expérience marquante : lorsque j’étais le binôme de notre Secrétaire Générale Brigitte SCHLEIFER de 2015 à 2018. Le nombre de licenciés multifonctions devra être réduit : ne soyez plus à la fois joueur, entraîneur, arbitre, dirigeant, etc. « une personne = un rôle ».

Les opportunités : contractualiser avec toutes les autres fédérations (UNSS, UGSEL, Universitaires, UFOLEP, autres), surfer sur le Flag Football aux Jeux Olympiques de LA 2028, collaborer avec les PARIS MUSKETEERS et des futures organisations pro, s’appuyer sur les valeurs d’éthique sportive de nos 3 disciplines.

Quels sont les moments les plus mémorables que vous avez vécus en tant que cadre technique ?

D.S. : Dans nos clubs, CDFA ou Ligues, j’ai pu suivre de nombreux événements scolaires et/ou sociaux concernant les publics éloignés de la pratique sportive (Handi, déscolarisés, jeunes en insertion, etc) et cela m’a marqué humainement. Pour organiser toutes ces actions, des dirigeants, coachs, officiels et bénévoles se sont dévoués. Je voudrais tant remercier ces hommes et femmes de l’ombre. Sans oser les nommer tous car je les sais humbles, ils se reconnaîtront, Merci.  

Avec nos Équipes de France, j’ai assisté à des moments mémorables :

  • La médaille d’Or aux Jeux Mondiaux de 2017 en Foot US
  • Les titres Mondiaux de 2004 et 2006 en Flag Football,
  • Les titres Européens de 2004 et 2006 en Foot US U 19, et en 2018 en Seniors
  • Les titres Européens de 2005 et 2007 en Flag Football
  • Champion d’Europe de Foot US en 2018 en Finlande

La décision de la désignation du Flag Football comme sport de démonstration aux JO de LA 2028 est le dernier élément mémorable avec tellement d’espérance. 

Quels sont les aspects du football américain en France que vous aimeriez voir se développer davantage à l’avenir ?

D.S. : Je vous préconise de cibler les jeunes en Flag Football et Foot US, les hommes en Cheer, les femmes en Foot US et Flag, et les formes de pratiques Loisirs toutes disciplines.                                                

Sur le modèle de la formation des entraîneurs déjà très efficiente, je vous souhaite de réussir de même avec celles de vos officiels et de vos dirigeants en la rendant obligatoire.

A l’ère du « distanciel Roi », j’espère vous voir renouer avec la proximité réelle en « présentiel » entre la FFFA et ses Ligues, Comité Départementaux et clubs, à mon sens, le seul moyen de faire des diagnostics justes permettant de construire des projets pertinents.

Nous avons prouvé que nos Pôles ou Centres d’entraînement ont leurs places dans le processus d’accès à plus hauts niveaux de pratiques, persistez et ouvrez-en d’autres en préservant le quadruple projet (scolaire, social, santé et post-carrière) pour nos athlètes.

Et pour finir, comme aujourd’hui, tout est lié aux finances, je vous invite à continuer et développer les participations de vos Équipes de France à tous les formats proposés par les fédérations internationales afin de rendre possible la valorisation de votre image.

Comment envisagez-vous votre propre retraite et quels sont vos projets personnels pour cette nouvelle étape de votre vie ?

D.S. : Contemplative ! Je pense avoir été dans l’action toute ma carrière et cela sans vraiment compter ni mon temps ni mon énergie. Désormais, le temps du ressourcement est venu (yoga, ciné, lecture, écriture). D’autant que mon épouse est en retraite aussi depuis 1 mois, nous allons visiter la famille plus régulièrement. Entre mes 7 aïeuls, mes 3 enfants et 3 petits-enfants, il y aura de quoi s’occuper. Par ailleurs, nous nous organisons pour voyager et nous continuons nos engagements associatifs locaux. Je n’agirai plus dans le Foot US, mais j’assisterai avec délectation aux compétitions et événements sur Strasbourg et alentours ainsi qu’aux matchs des Équipes de France sur le territoire national et pourquoi pas ponctuellement à l’étranger comme en Irlande l’été dernier. Je resterai modestement mécène des EDF avec l’espoir de voir d’autres individus ou entreprises nous rejoindre.

Pour conclure, quel message ou souvenir aimeriez-vous partager avec la communauté du football américain en France et avec ceux qui ont travaillé avec vous au fil des années ?

D.S. : J’aurai tellement de choses à partager avec vous mais je veux surtout vous remercier toutes et tous pour nos rencontres, nos échanges, nos différences et nos victoires ! Permettez-moi un souvenir en forme de clin d’œil à la fois professionnel et personnel : je partage avec vous cette photo symbolisant la fierté d’un intendant et d’un père lors de la Médaille d’Argent à l’EURO 2010 à Francfort : un moment exceptionnel. Anecdote : une Finale en tongs à cause d’un orteil cassé le matin même en chargeant le camion de l’équipe, ça ne s’invente pas !

Didier avec son fils

Propos recueillis par Pascal Younes (https://foot2a.fr)